L’instructif « 40 cartes pour comprendre comment va la France » du Monde

28 juin 2023

J’ai trouvé une mine d’or/de données pour un prix très raisonnable de 11.90€ : il s’agit d’un hors-série du journal le Monde intitulé « 40 cartes pour comprendre comment va la France ».

Un entretien d’un démographe, Hervé Le Bras, paru dans le monde du 17 juin a attiré mon attention. Je cite ; « La France est un pays qui va bien dont les habitants se sentent mal ». C’est le fil directeur de ce hors-série, mais l’on verra que les choses sont un peu plus complexes. Dans les comparaisons internationales « les réponses des Français sont pratiquement toujours les plus négatives (…) Les Français se disent mécontents de leur système de protection sociale, encore plus que les bulgares ».

Avec une multitude de cartes et d’infographies, ce hors-série fait un point assez complet sur 3 domaines ; un état des lieux économiques et sociaux, les régions, la politique. Et il cherche à comprendre d’où vient ce décalage entre une situation qui, sur des critères objectifs et mesurables ne se dégrade pas significativement, voire s’améliore, et un ressenti qui, lui, est en chute libre, avec des conséquences politiques importantes.

L’état de la France

Je me concentre sur la première partie de ce document, ce que je connais le mieux, en résumant quelques points qui me paraissent centraux. Je mets entre parenthèses les pages de références.

  1. La population française (12-13) augmente grâce à un solde naturel positif, ce qui est rare en Europe, et grâce à l’immigration. Cette augmentation de la population se concentre sur les villes importantes et le littoral, plus Toulouse (merci l’aéronautique) et les régions proches de la Suisse et du Luxembourg. Les autres régions se dépeuplent. Par ailleurs, la population vieillit
  2. Le vieillissement de la population française entraîne des conséquences majeures sur le financement des retraites (14-15), pose un défi grave sur le grand âge et sa prise en compte (19), et absorbe des ressources croissantes du système de santé (20-21), dont l’hôpital qui est à bout de souffle (22-23).
  3. Les inégalités de revenus et de patrimoine persistent (28), mais ne se renforcent pas ! Le taux de pauvreté est stable depuis 30 ans (29).
  4. La résilience inattendue de l’économie française (36 à 40) apparait sur son rythme de croissance, positif, sur la baisse du taux de chômage, sur la hausse du taux d’emplois des 15-64 ans au plus haut depuis 1975. Les points de faiblesse sont bien mis en avant : la dette (112% du PIB) et le déficit (encore 4.9% du PIB) de l’Etat français, l’important déficit commercial en biens, compensé en partie par l’excédent des services.

Les défis

Les défis auxquels le pays a tant de mal à s’adapter sont l’objet de chapitres particuliers :

  1. Un changement climatique sans retour (44-45) où le rôle des transports doit être mis en avant : c’est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre (GES). Or, la voiture est indispensable hors de la ville. Le deuxième émetteur de GES est l’agriculture où un nouveau modèle doit être repensé (48-49) : 21% des émissions de GES, une part énorme de la consommation d’eau, surtout en été (80% de l’eau utilisée), mais seulement 2.3% de la population active. Autres gros secteurs émetteurs de GES, l’habitation et l’industrie.
  2. De nouvelles formes de travail (24 à 27)
  3. Des services publics sous pression : l’hôpital déjà mentionné, l’éducation (30-31) convenable mais peut mieux faire, la prison (46-47) où les peines sont de plus en plus sévères.

Les régions répondent au mieux à tous ces défis, selon leur particularisme et leurs ressources, une double page consacrée à chaque région (52 à 87)

Mais le vrai défi est politique car les Français doutent de leur Etat Providence. C’est une des faiblesses de ce document selon moi car le rôle de l’Etat n’est pas assez mis en avant. Or, l’Etat français gère déjà 57% du revenu national avec des prélèvements obligatoires aux plus hauts historiques et un sempiternel déficit annuel. Notre Etat providence a déjà amorti les chocs, mais les électeurs ne le ressentent pas. Pres de 2/3 des électeurs semblent près à prendre le risque de politiques de rupture, en votant aux extrêmes gauche ou droite. Or, la France empruntera en 2023 environ 270 Mrds € sur les marchés financiers, 100 de renouvellement de dettes qui arrivent à échéance plus 170 de déficit courant ; le pays vit au-dessus de ses moyens, et ce document ne le montre pas ! La thèse que j’ai déjà argumentée plusieurs fois dans Broviews est que cette dépendance aux marchés financiers se payera chère tôt ou tard, bien au-delà des intérêts versés chaque année aux investisseurs.

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